Pourquoi ne pas être en mesure de donner est excluant

Nous avons vu dans la vidéo avec Jean-Edouard Grésy que la mécanique du don est à l’origine de relations sociales sincères, profondes et durables. Et que la qualité de nos relations aux autres est le premier facteur de bonheur (voir l’article sur l’étude d’Harvard) 

Il existe une différence notable entre l’acte de donner et la mécanique du don. L’acte du don n’est qu’une des 4 étapes de la mécanique du don qui sont pour rappel : demander, donner, recevoir et rendre. Malheureusement, le sens commun ne retient que cette seule étape, le don. Et faute d’identifier les « 4 étapes », nous passons à côté de la portée profonde du don.

Lorsque je parle du don autour de moi (au sens de la mécanique, du cycle complet), les préjugés sont tellement forts que j’ai souvent peur de ne pas être compris.

Ce qui est très frustrant, car reconnaître ce geste est pourtant tellement éclairant… A titre personnel, je le vérifie et le reconnais au quotidien. C’est pour cela que je reviens sur ce thème dans cet article.

Le don est une prise de risque

Dans le sens commun, donner consiste juste à … donner. Avec le risque :

  • de se faire avoir, que l’on se moque de nous,
  • que le geste ne soit pas reconnu,
  • que la valeur de l’objet donné ne soit pas apprécié à sa juste valeur,
  • de ne pas avoir de retour et de ne pas être respecté.

Le don, dans notre culture, porte ainsi une connotation négative : une prise de risque.

Et c’en est effectivement une, car entre en jeu une confiance qui n’existe pas encore. Mais cette confiance aurait pu prendre naissance si chaque étape de la mécanique avait été respectée. 

La mécanique du don est en effet une opportunité à se créer un socle de confiance qui permet d’agir (voir article sur la confiance)

Or, la confiance est le catalyseur, la condition qui permet de vivre, d’avoir des projets et de les réaliser en comptant sur son environnement (social mais aussi matériel !).

Le confiance libère l’esprit des risques pour les porter vers ses projets. En cela, la confiance est la garantie d’une bonne santé mentale !

Le don est suspect

Pourquoi prend-on la peine de me donner de l’aide, de m’accorder du temps ? Que me veut-on réellement ?

Comme on n’apprend pas à reconnaître les étapes de la mécanique du don, nous la sous-estimons (généralement, on attend sans demander, on reçoit “mal”, sans reconnaître le geste du donateur, ou alors, on ne rend pas, ou mal…).

Chat échaudé craint l’eau froide. Après une expérience de don stérile ou décevante, on ne voit vraiment pas pourquoi il en serait différent une fois prochaine. La chaîne du don se brise. Et avec elle, les relations humaines.

Le monde marchand, dans lequel nous baignons, n’aide d’ailleurs en rien à rétablir des expériences de confiance. Il décorrèle la temporalité des productions et des échanges, mélange valeur subjective, offre et demande. Il valorise via des chiffres (l’argent).

Et par exemple, une des raisons de la suspicion du don provient aussi du rapprochement que l’on fait avec des “cadeaux” que le monde marchand nous fait, pour des raisons qui ne sont pas claires ou transparentes.

Prenons cet exemple. Si un marchand peut me faire une telle réduction, c’est qu’il réalise déjà une marge en dehors de la valeur du produit. Me fait-il un cadeau ? Aurait-il pu faire cette « effort » autrement ? Quel est son intérêt ? Qui fait la bonne affaire, lui ou moi ?

La mécanique du don est une boîte à outil.

Comprendre la mécanique du don permet de juger de la qualités des échanges associés au don. Lorsque les deux “partenaires” ont conscience et suivent les 4 étapes du don, ils savent qu’ils se construisent une relation durable, basée sur la confiance.

Ils tissent des liens, qui seront la source de qualité relationnelle.

Savoir que l’on peut compter sur quelqu’un maintenant ou dans le futur, c’est un atout incomparable par rapport à quelqu’un qui sera seul, suspicieux.

On ne peut parler qu’avec quelqu’un qui sait parler la même langue soi.  Et donc, on pratiquera plus facilement le don avec quelqu’un qui comprend ce qu’il est réellement : le créateur de liens sociaux.

Ne pas être capable de donner.

Lors de son interview, Jean-Edouard Grésy a parlé du coût du don dans le mode de vie occidentale. Il y aurait un coût à donner, car tout est monétisé. Ce qui serait un frein à la création de liens sociaux, et un facteur qui expliquerait la nature d’une société suspicieuse et défiante.

Voyons cela à travers un exemple :

Donner, c’est souvent offrir un cadeau. Nous avons pour cela des marqueurs temporels, pour célébrer un “semblant de don”. Noël, anniversaire, fêtes, (fêtes des mères, des pères, des grands-mères, Saint Valentin…). A chacun de ces moments, on se doit d’offrir un objet, ou dans la très majorité des cas, quelque chose qui s’achète et dont la valeur est associée au coût de l’objet.
On est bien loin du don comme facteur de liens sociaux de qualité !

Le cercle des invitations

Nous avons l’habitude de nous inviter à manger les uns chez les autres. L’invitation est un don. En apportant un cadeau, comme des fleurs, nous recevons l’invitation avec reconnaissance. Le don pourra être rendu en invitant la personne en retour. Chaque repas partagé et offert est l’occasion de renforcer les liens. A force, on ne sait plus qui est redevable de l’autre.

Mais tout n’est possible que lorsque la personne est capable d’inviter. Mais pour cela il faut qu’elle dispose d’un habitat qui permette de recevoir, ou qu’elle puisse, si ce n’est pas possible, d’inviter des personnes dans un restaurant..

Dans ces deux exemples emblématiques, le don n’est accessible qu’à ceux qui peuvent se le payer. Il y aurait donc, comme le souligne Jean-Edouard, un seuil financier à franchir pour accéder au don. 

Or, quand on prend conscience que la mécanique du don est un des facteur de créations de liens relationnels (si ce n’est le plus important)… on comprend tout l’absurde de la situation.

En conclusion :

Le principal facteur de bonheur est la qualité de la relation aux autres. La mécanique du don est un des principaux moteur qui permet de construire des liens de qualité.
Mais nos cultures occidentales (appelons-les ainsi faute de mieux), rendent suspicieuse le don, le monétise, voire le rendre inaccessible.

A cela, nous pouvons apporter deux remèdes, à la fois libérateur et facteur de bonheur :

  • Comprendre et expliquer ce qu’est le don et ses 4 moments. Plus les personnes le comprendront, mieux les bénéfices du don seront réalisés, pour une société plus confiante.
    et par conséquent 
  • ne pas considérer que le don n’est que porté par un objet matériel, qui a un coût financier : prendre conscience de tout ce que l’on peut donner : du temps, des connaissances, de la présence, des conseils…

Pour aller plus loin : [cliquer ici]
Photo par Kira auf der HeideUnsplash

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