Le monde n’est rien de plus que ce que l’on pense qu’il est… une représentation

Pourquoi parler de ça maintenant ? Quel est le rapport avec le bonheur et la liberté ?

Le lien, c’est l’idée de représentation. Que le monde n’est que représentation… Pour illustrer cela, prenons un exemple d’actualité.

Alors que l’on commence à se déconfiner, nous avons d’un côté, ceux qui veulent retrouver leur vie avec leurs habitudes, relancer la machine à fond, rattraper le temps perdu… Appelons-les les Donald.

Et de l’autre, pour rester dans la caricature, ceux qui sont sûr que tout va s’effondrer, surtout si on ne fait rien, et qui s’y préparent. Appelons les, les Pablo.

D’un côté, le monde de Donald, de l’autre celui, de Pablo.

On pourrait croire que ces deux groupes vivent, en ce moment, dans le même monde. Mais en fait pas tout à fait. Enfin pour l’instant.

Nous allons voir pourquoi.

“Le monde n’est rien de plus que ce que l’on pense qu’il est…”

Ne vous est-il jamais arrivé de vous coucher en pensant que c’est la fin du monde et vous réveiller avec des solutions ?

En une nuit, pourtant, le monde n’a pas changé…

Le mot n’est pas la chose qu’il désigne

Pour désigner un arbre, j’utilise un mot, un dessin. Je peux être plus précis en le décrivant avec des mesures, des photos, une maquette… Bref on peut aller très très loin dans la description. Mais jamais l’arbre que je décris, ne sera l’arbre dont je parle. 

Par extension, tout ce que nous comprenons du monde, nos pensées, nos idées, sont des représentations. Des représentations que l’on pourrait, elles-mêmes, schématiser comme des feuilles de calques qui s’ajusteraient à la réalité. Plus ce qui est sur le calque est fidèle à la réalité qu’il recouvre, plus la représentation est juste. 

Malheureusement, la superposition de cette représentation et du monde tel qu’il est (comme un calque que l’on poserait face à la réalité), aussi précise soit elle, ne sera jamais parfaite.

Tout ceci ne serait pas grave si notre représentation du monde n’avait aucune conséquence. 

Le monde selon… Tiwanaku

Prenons une civilisation qui voit le monde comme une source infinie d’énergie et de ressources naturelles. Que se passe-t-il ? Et bien, les paysages changent : Villes, routes, champs apparaissent. Et oui, la population augmente et se concentre. D’où la construction de voies de communication, de vastes espaces agricoles. Les organisations de plus en plus grandes, se complexifient et se technifient. 

Jusque là rien de grave. 

Sauf, si l’environnement de cette civilisation se met brusquement à changer. Et que dans la représentation du monde de cette civilisation, cela n’était pas prévu.

Il y en a déjà eu plusieurs dans l’histoire (Tiwanaku, en Bolivie par exemple). Tiwanaku fait partie de ces civilisations pré incas qui ont mystérieusement disparu, malgré des connaissances techniques et agricoles très poussées. Par exemple, on ne sait toujours pas, aujourd’hui comment certaines pierres ont été taillées, même avec des techniques contemporaines.. Et pourtant, ils ont disparu, pense-t-on à cause du recul du lac Titicaca. 

illustration d'une représentation inadaptée de sa situation : Tiwanaku, une civilisation qui n'a vu les bouleversement de son environnement et s'est effondrée, malgré ses connaissance techniques.
Tiwanaku – civilisation pré inca, disparue

Autre exemple, le peuple de l’île de Pâques, qui a littéralement, aspiré toutes les ressources de l’île.

Alors imaginons une civilisation dont l’activité provoque, et, l’épuisement des ressources, et des modifications de l’environnement. Brrrr. Pourvu que cela reste de la science-fiction…

La qualité d’une représentation se teste par…

Au quotidien, nous ne nous rendons plus compte que les systèmes de représentations que nous utilisons suivent un principe que l’on appelle (en philo) “causalité et entendement”.

Qu’est ce que ça veut dire ? Que chaque action à une cause, qui peut se comprendre, s’expliquer. Ainsi on attend toujours le même résultat de la même action, qui a la même cause.

Notre système de représentations tient parce que rien ne le contredit. Si je lance un lave-vaisselle, la vaisselle sera propre. Ce qui justifie l’achat et l’usage d’un lave-vaisselle, et son existence (conception, fabrication, commerce, et tout ce que cela implique).

Notre système de représentation est parfois plus compliqué quand il s’agit d’apprécier les relations humaines, notre état propre. 

Et oui, dans quel état suis-je ? Puis-je avoir confiance en mon amitié ? Mon couple ?

Un système de représentations influencés par son état physique

Nos représentations sont influencées, par exemple, par les émotions, la peur, l’angoisse, notre état de fatigue… des facteurs qui dépassent le couple causalité-entendement, parce que nous ne comprenons pas toujours ce qu’il nous arrive. 

Avec l’expérience, nous nous fions en notre intuition, à des signes que l’on ne peut pas expliquer. Qui constitue un ensemble auquel nous nous référons : un référentiel. 

Revenons à Donald et Pablo.

Qu’en est-il de Donald ? Et bien son monde tel qu’il le conçoit va très bien. Plein d’énergie, de ressource, une économie qui tourne, on peut bien travailler et se faire plaisir en achetant biens matériels et services. D’ailleurs les gens qui l’entourent pensent comme lui. Alors pourquoi écouter les Pablo qui prédisent une sorte de fin du monde ?

Récapitulons

  • Nous accédons au monde par des représentations : ces représentations sont pour chacun d’entre nous le monde réel…
  • C’est parce que nous faisons des expériences qui, pour une même cause entraine une même action et un même résultat, que nous pouvons valider notre représentation du monde.
  • Ces expériences, qui permettent de construire nos représentations, forment ce qu’on pourrait appeler un référentiel.

Attardons nous sur le référentiel, c’est lui qui va le plus nous aider dans notre quotidien.

Représentation et référentiel.

Prenons un exemple…

Un train, le TGV OuiGO 6523 (un fantasme, lorsque l’on vit confiné), quelqu’un qui est dans ce train, appelons-le, Louis, et Nicolas, qui regarde passer ce train. Le train roule à la vitesse extraordinaire, de 60km/h. 

Alors, pour Nicolas, qui regarde passer le train, Louis se déplace à 60km/h. Louis regarde son amie, Sophie assise en face de lui. Pour Louis, Sophie ne se déplace pas. Pourtant, Nicolas la voit aussi se déplacer à 60km/h. 

Le train fait demi tour, et repasse devant Nicolas, qui … pêche, toujours à 60km/h. Mais cette fois-ci, Louis a une envie pressante et se dirige vers les toilettes, dans le sens du train, à 4 km/h. 

Alors voyons maintenant à quelle vitesse se déplace chaque personne :

  • Pour Sophie, qui est assise et regarde Louis, et se dit qu’il va falloir qu’elle y aille aussi, Louis se déplace à 4km/h. 
  • Mais pour Nicolas, qui se demande pourquoi Louis s’est levé, Louis va à la vitesse de 60+4 soit 64km/h. Alors que Sophie, elle, continue à se déplacer à la vitesse du train, parce qu’elle est assise, soit 60km/h.

On voit donc que selon, ce qu’on regarde et d’où on le regarde, l’action que l’on désigne, se représente de manière différente. Pourtant il ne se passe qu’une seule chose. Un train passe.

Ainsi, la représentation, ici la vitesse de déplacement, dépend du référentiel de mesure : ce qu’on regarde, et d’où on le regarde.

Et par exemple :

A chaque instant, nous voyageons à 108 000km/h ! + ou – un pouième suivant l’angle de rotation de la terre, par rapport au soleil.

Et, par rapport au centre de la terre, si on est sur l’équateur, on se déplace à 1 700km/h et à 0 km/h si on se trouve sur le pôle géographique.

Et bien, pour les représentations, c’est pareil.

La représentation dépend du référentiel que l’on prend.

Revenons à Donald, extrapolons sur son référentiel et sa représentation du monde de manière très caricaturale : 

  • Référentiel : Issu d’une riche famille, il refait fortune dans l’immobilier. S’il l’a fait, il pense que tout le monde en est capable s’il s’en donne les moyens.
  • Sa pensée, pour lui, est légitimée, par son élection. Donc il ne peut être que dans son bon droit. Etc etc. 
  • Représentation :  il considère que son pays doit être synonyme de rêve américain. Que chacun est maître de son sort (indépendamment des autres), qu’il faut toujours créer, produire plus de richesses. Les ressources sont là et tant qu’il y a de la demande, il faut y répondre. 

A l’inverse, Pablo :  

  • Son référentiel : des études et des recherches qui valident une intuition qu’il y a un truc qui tourne pas rond.
  • Sa représentation : le mode de vie occidental est voué à disparaître, parce que les organisations sont trop complexes, et donc fragiles, et sensible à tout bouleversement (épuisement des ressources, modifications climatiques). 

Les représentations sont intimement liées à un référentiel, à cette fondation qui se constitue pour chacun d’entre nous par son éducation, son histoire, ses expériences, sa culture, ses amis, ses croyances.

De l’importance d’identifier son « référentiel »

Ce référentiel doit aussi être en phase avec soi, le plus proche possible de ce que nous sommes. D’où l’importance de chercher à savoir ce qui nous anime. On peut appeler cela vocation, mission de vie, ikigai (trouver sa “joie d’être” en japonais).

Plus on aura une compréhension claire de son référentiel, plus nos actes porteront un sens fort. Référentiel et représentations qui s’y rapportent ne sont jamais définitifs.

Cependant, nous les éprouvons à chaque instant et avons la possibilité de nous en rapprocher, de les compléter : plus nous faisons d’expériences différentes, plus notre référentiel s’enrichit et évolue, plus notre représentation du monde change également.

Ce qui est à la fois un acte de liberté et bonheur. 

Superposition quantique.

Vous connaissez peut-être la très célèbre expérience de pensée appelée “le chat” de Schrodinger ? Elle servait à ce physicien (très iconoclaste par ailleurs) à illustrer une propriété de la mécanique quantique : la superposition quantique. En gros, en mécanique quantique, il est impossible de donner l’état précis d’une particule, d’un système, parce qu’ils possèdent plusieurs états possibles. Ce qui pourrait faire dire qu’un électron est à plusieurs endroits en même temps. Etrange non ? Pour illustrer cela, Schrodinger a imaginé un système dans lequel un chat, enfermé dans une boîte, était à la fois mort et vivant. Cela n’a aucun sens, me direz-vous. Cependant, le destin du chat était associé à un système quantique qui était dans deux états simultanés, et donc le chat était à la fois morts et vivant, et cela jusqu’à ce qu’on établisse la mesure du système auquel il était associé, qu’on ouvre la boîte et constate l’état du chat.

Ben là encore, avec les représentations, c’est la même chose.

Aujourd’hui, nous vivons à la fois, dans le monde de Donald, et dans celui de Pablo.

Cette superposition de représentation s’effondrera, si notre système s’effondre. Et alors, cela prouvera que c’est la représentation du monde de Pablo était la plus proche du monde.

En attendant de savoir qui a raison, chacun agit avec son propre système de représentation jusqu’à ce qu’il se fasse rattraper par la réalité…

Vivre dans deux mondes différents et se parler quand même.

Difficile d’imaginer que Donald et Pablo puissent se parler et se comprendre.

A moins peut-être s’ils ne parlent que de leur référentiel,  leurs expériences, leur vécu, et laissent de côté leur représentation du monde. 

On peut alors distinguer un homme de son référentiel et à fortiori de sa représentation du monde et donc en respecter l’individu à défaut de ses idées. 

Parce que le référentiel est différent de celui qui s’y réfère. Tout comme la représentation n’est pas le monde, le référentiel n’est pas l’individu.

D’où ces deux conclusions :

  • 1. le référentiel n’étant pas la personne, ne parler que de référentiel permet de dépersonnaliser les échanges (d’idées par exemple), de dépassionner le débat.
  • 2. pour changer le monde il faut changer le référentiel « ambiant »…

Et donc, pour que Donald et Pablo se parlent, il faudrait peut-être que Donald descende du train et aille à la pêche. Sa représentation du monde pourrait peut-être changer…

Revenons à notre quotidien

Ce qui est vrai pour Donald et Pablo est vrai pour chacun d’entre nous. 

Chaque idée, phrase, concept, interprétation… n’existent pas tant, que nous ne l’avons pas créé, ou reprise de quelqu’un qui l’a reprise oui lui-même créée. (ben oui, pour parler j’utilise des mots que je n’ai pas inventé, je n’utilise que les mots des autres, sauf peut-être, si j’étais poète).

Par exemple, il existe une quarantaine de mots pour exprimer le blanc dans le langage des esquimaux. Ces nuances, nous qui n’en avons pas l’habitude, aurions du mal à percevoir. Mais les esquimaux ont inventé les mots pour les désigner. Des mots, que n’importe qui pourrait apprendre. Et aussi apprendre leur signification. Et donc distinguer des nuances dont l’existence même nous aurait été étrangère.

Toute représentation naît de notre imagination. 

Quand une représentation n’est plus valable (parce qu’elle ne répond plus au principe de causalité et d’entendement, par exemple, se représenter la terre plate alors que les preuves mathématiques, scientifiques existent et que si on va toujours tout droit à l’est on revient à son point de départ…), il faut en inventer une autre plus satisfaisante. C’est le principe des théories scientifiques par exemple. Le monde aristotélicien, remplacé par le monde newtonien, remplacé par le monde einsteinien… Chaque représentation du monde était satisfaisante… à son époque, ou à une certaine échelle. Mais, un jour, nous avons découvert le mouvement d’une planète qui ne s’expliquait pas par la mécanique newtonienne, alors il a fallu inventer autre chose, la relativité d’Einstein… 

Inventer… Créer

Par nos représentations, nous avons créé le monde dans lequel nous vivons, et dire que l’on peut imaginer le monde qui vient n’est pas un vain mot. 

C’est même hyper facile, il suffit de changer sa représentation, son référentiel, le reste suit, sans même qu’on s’en rende compte.

A titre individuel, le bonheur dépendrait à 40% de l’interprétation de ce que nous vivons  … selon Florence Serva-Schreiber, donc de la représentation des choses.

Cela vaut le coup de réinterroger de ce qui nous arrive, regarder si l’enchaînement est logique. 

Lorsque tout va bien, c’est que notre système de représentation est satisfaisant. Mais quand rien ne va, avant d’agir, cela vaut la peine de refaire l’histoire, de la confronter avec l’enchaînement de ce qu’il s’est passé, leur logique, la manière dont on l’a interprété.

En particulier quand les émotions prennent le dessus.

Pourquoi cette personne me shadow ? Et pourquoi ai-je manqué cette affaire ? Pourquoi ne l’ai-je pas rappelé ? Pourquoi n’ai pas lu ce livre, suivi ce conseil ? Fait ce que je m’étais promis…

Lorsque nous sommes face à un problème, changer d’angle de vue (de référentiel) peut-être la source de la solution. Pendant, ce confinement, nous avons vu la vie… du dedans. N’avez-vous rien remarqué ?

En quoi cette représentation du monde est-elle utile ?

  • ne pas tout prendre pour argent comptant
  • savoir que son état psychique et mental modifie notre perception, nos représentations qui ne sont pas la réalité
  • que nous nous construisons par rapport à un référentiel, que le monde dépend de ce référentiel
  • mais que ce référentiel, n’est pas partager par tout le monde.
  • Et donc, pour changer le monde, changeons de référentiel !

Pour aller plus loin : [cliquer ici]
Photos : makemedream.com

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